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Nouvelle journée, nouvel artisanat.

Je vous emmène à Yame, une petite ville dans la préfecture de Fukuoka sur l’île de Kyushu. On a rendez-vous avec Ito HIROKI artisan de Yame chouchin (八女ちょうちん).

Carte du Japon, Kyoto

Je l’ai découvert en faisant un exposé sur les artisanats spécifiques de la préfecture de Fukuoka. Et étant un du Big 7 de Fukuoka, je ne pouvais pas passer à côté.

Qu’est-ce que le Yame chouchin (八女ちょうちん) ?

Vous vous demandez ce que c’est ?

Allez, je ne vous fais pas plus attendre.

Alors “Yame” (八女) c’est le nom de la ville. Et “chouchin” (ちょうちん) cela veut dire “lanterne” ou “lampe”. Il s’agit donc d’un artisanat de lampe traditionnelle. On les appelle aussi les lanternes japonaises. Ah, je dois préciser que je parle ici de lanterne en papier. C’est important de le spécifier, car il existe des artisanats de lanterne japonaise en pierre. C’est légèrement différent.

Donc pour résumer ; aujourd’hui, on va entrer dans le monde des lampes traditionnelles. Elles sont très reconnaissables par leur forme, mais aussi par la lumière unique qu’elle génère. Je parle de cette atmosphère du Japon mystique et onirique.

Les lanternes japonaises en suspension dans un hall d'un magasin
Les lanternes japonaises en suspension dans un hall d’un magasin

Et c’est Ito Hiroki qui va nous y plonger.

Petite parenthèse avant de commencer ! Vous n’allez peut être pas me croire, mais si vous aimez Disney, il se peut que vous ayez déjà croisé son travail. Comment allez-vous me dire ? Vous connaissez ce film.

Dans la scène du jardin, vous voyez toutes les lampes ? Devinez qui les a fabriqués ? Oui oui oui, c’est bien cet atelier ! Comment j’ai fait pour le trouver ? C’est un pur hasard ! Quand je vous dis que je tombe sur des PÉPITES : je ne plaisante pas.

Allez, on a assez tourné autour du pot. Je vous laisse découvrir cet artisanat grâce à Hiroki Ito.

ITO HIROKI,

artisan de Yame chouchin (八女ちょうちん)

1/ Présentez-vous et votre artisanat.

Je m’appelle Ito Hiroki et je travaille à la Boutique Chouchin Ito Gonjiro Shoten. Cet atelier a été fondé en 1815. Nous sommes fabricant et grossiste de lanterne. Ici, nous fabriquons principalement des Yame chouchin (八女ちょうちん).

Ito Hiroki, artisan de Yame Chouchin
Ito Hiroki, artisan de Yame Chouchin

STOPPPP ! Désolé, je sais qu’on vient à peine de commencer, mais je dois vous faire remarquer que cet atelier existe depuis 2 siècles.

2 siècles !

Les premiers clients étaient des samouraïs ! Je ne sais pas si vous vous rendez compte ! Moi, je trouve ça ouf ! Voilà, j’ai fini, on peut reprendre.

2/ En quelles occasions achetez-vous ou offrez-vous Yame Chouchin (八女ちょうちん) ?

La plupart des lampes que nous réalisons, sont pour des célébrations culturelles ou des rituels religieux shintoïstes dans les sanctuaires ou les temples. Nous en faisons également pour des événements et pour des scénographies dans des restaurants ou des hôtels.

3/ Depuis combien de temps êtes-vous un artisan de Yame Chouchin (八女ちょうちん) ?

Je travaille dans cet atelier depuis six ans. J’ai travaillé un peu à Fukuoka, mais je me suis rendu compte que cela me manquait donc je suis revenu pour y travailler.

4/ Comment avez-vous découvert cet artisanat ? Qu’est qui vous a intéressé dans ce métier ?

Il s’agit de l’entreprise familiale. Je l’ai toujours connu, j’ai grandi avec. Et j’ai repris l’entreprise familiale.

5/ Comment faire une lanterne de Yame chouchin (八女ちょうちん) ? Quelles sont les différentes étapes ?

STOPPPP ! Pour cette question, c’est moi qui vais raconter ce que j’ai vu quand je suis allée le voir. Ce sera plus pratique. Sinon je vais écrire une pièce de théâtre.

1-

Tout d’abord, on doit se préoccuper de la préparation de la tige qui constitue la structure. Pour cela, il faut assembler une à une chaque tige de bambou avec de la colle et du papier washi.

2-

Pour la suite, je ne sais pas vraiment comment le définir. Mais en bref, il s’agit de construire la structure qui va permettre de donner la forme de la lanterne. Il s’agit de ça.

Différents éléments en bois qui s’emboîtent comme un puzzle, mais en 3D. Alors pour ne pas que l’on se mélange les pinceaux. On va appeler cette partie “une latte” et cette partie “ un socle” et le tout assemblé, on va appeler ça “le patron”.

Et là ça devient intéressant. Pour ce qui est des lattes, il y en a de toutes formes et de toutes tailles. Ça laisse de la place pour l’imagination, pas vrai ? Pour chaque patron, il y a entre 8 et 16 lattes. Il suffit de les insérer une à une dans le premier socle. Puis de mettre un anneau en bambou pour les maintenir en place et de faire la même chose avec l’autre socle. Pour finir, on insère une barre en métal dans les socles. Et HOP ! La préparation est terminée. On peut enfin fabriquer la lanterne.

Mise en place du patron de la lanterne
Mise en place du patron de la lanterne

3-

Une fois, le patron placé à l’horizontale, on peut commencer à faire la structure de la lampe. Pour cela, il faut un trou dans l’anneau de bambou et y insère la tige. Et Là ! Il faut faire attention ! ( Excusez-moi l’expression ! ) Mais si on merde à cet endroit, c’est foutu ! On prend la tige et on commence à tourner tout doucement le patron. Et on fait BIEN attention à placer la tige sur différents crans de la latte. Et une fois la partie délicate passée, Rouler Jeunesse ! On continue jusqu’à l’autre extrémité du patron. Mais à la fin, c’est comme au début. C’est assez délicat. Donc pour maintenir la tige sur le patron, avec des pinces pour être sûr que tout reste en place. Puis pareil, on fait le petit trou dans l’anneau en bambou et on insère la tige, puis on coupe. Et voilà, on a notre structure !

Mise en place de la tige de la lanterne

4-

Maintenant, que nous avons la structure, on doit vérifier qu’elle soit régulière.

Pour cela rien de plus simple, entre chaque latte, on vient placer une ficelle le long de la structure. Quand on remarque qu’il y a un décalage entre la tige et la ficelle. Avec cette dernière, on fait un tour autour de la tige pour la remettre à niveau.

Et voilà ni vu, ni connu. Cette étape est cruciale car s’il y a la moindre irrégularité cela compliquerait les choses lors de la pose du papier.

5-

Maintenant, on va poser le papier ! Et pas n’importe quel papier. C’est du papier washi et chose plutôt pratique, il s’agit du papier provenant d’un atelier également de Yame. On reste dans le local, j’adore.

la pose du papier sur la structure
la pose du papier sur la structure

D’abord, il faut badigeonner la structure de colle, puis le papier. Ensuite, il faut positionner le centre de la bande le long de la ficelle en évitant de faire des plis. Une fois positionné, il faut couper le surplus de papier. Cependant, il faut découper à environ 1 cm à l’extérieur de la ficelle. Et répéter cela jusqu’à ce que la lanterne soit recouverte. Cela solidifie l’ensemble de la lampe.

6-

Après le séchage, la lampe est suffisamment solide pour tenir toute seule. C’est donc le moment de retirer le patron. Il faut retirer la barre métallique puis désemboiter les socles des lattes. En dernier, et avec beaucoup de précautions, on retire les lattes.

On passe ensuite à la vérification et à la consolidation de la lampe au niveau de la courbure et de l’anneau. Bah, ce serait bête que ça se casse la gueule à la première utilisation. Donc on place des morceaux de papier washi autour de l’anneau ainsi qu’à l’intérieur.

Une fois, cela fait, on repasse par une étape de séchage !

7-

Voilà, on a construit une lanterne ! Maintenant, on peut passer à l’étape de la finition. J’avoue, je n’ai pas vu cette étape. Je ne suis restée qu’une après-midi à l’atelier. Mais Hiroki m’a expliqué que c’est son grand frère qui s’occupe de la partie peinture. Une fois qu’elle est terminée, il faut vérifier que la lanterne se plie bien. Pour cela rien de plus simple. On la plie et s’il y a des espaces entre deux tiges qui ne se plient pas, il suffit de forcer le pli avec les doigts.

Et enfin, la dernière étape est de placer les socles laqués.

Si cela vous intéresse je vous mets le lien d’une interview qu’Ito Hiroki a fait pour la télévision Japonaise.

6/ Combien de temps cela prend pour faire une Yame chouchin (八女ちょうちん)?

Cela dépend de la taille de la lanterne. Mais je dirais en moyenne qu’il faut deux jours pour en faire une.

Example de Yame chouchin
Example de Yame chouchin

7/ Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans la conception de Yame chouchin (八女ちょうちん)? Pourquoi ça ?

J’aime penser à de nouveaux modèles, à la forme. J’aime sortir de la “norme” et de ce qu’on a l’habitude de voir.

8/ Y a-t-il des règles précises pour faire du Yame chouchin (八女ちょうちん) ? Et les faites-vous selon eux ?

Il n’y a pas vraiment de règles spécifiques. Il y a bien une forme ou un modèle qui revient souvent. Mais rien n’interdit de sortir de ses sentiers battus. Ici, nous aimons jouer avec les modèles. L’important est que les personnes qui les voient pour la première fois en soient satisfaits.

9/ Y a-t-il eu des événements majeurs (par exemple, des évolutions ou des réformes) dans l’histoire du Yame chouchin (八女ちょうちん) qui ont influencé sa couleur ou sa forme ?

Je dirais qu’Isamu Noguchi a révolutionné les lanternes en papier. Il a repensé le concept que ce soit en termes de formes et de jeu de lumière. Grâce à ce nouveau regard entre l’objet fonctionnel et la sculpture, il a permis aux lanternes de trouver leurs places dans le monde contemporain. Isami Noguchi a ouvert une nouvelle voie et a permis à de nombreux créateurs d’être plus libres dans leurs créations. Je vous mets un lien qui pour vous donner une idée des changements qu’il a pu faire.

10/ Comment diriez-vous que le style du Yame chouchin (八女ちょうちん) fabriqué aujourd’hui a changé par rapport au Yame chouchin (八女ちょうちん) du passé ?

Le plus grand changement, ce sont sans aucun doute les matériaux de base. Les anciens matériaux naturels sont de moins en moins disponibles, donc il a été nécessaire de passer aux matériaux artificiels. Par exemple, la tige de bambou est souvent remplacée par une tige en plastique.

11/ Diriez-vous que cette fabrication est encore en évolution ? Si oui, comment évolue-t-elle ?

Je ne vois plus vraiment mon travail comme de l’artisanat, j’ai plus l’impression que cela se transforme en une forme d’art.

12/ Quel style de Yame chouchin (八女ちょうちん) diriez-vous que vous faites ? Quel type de Yame chouchin (八女ちょうちん) faites-vous ?

Nous, à l’atelier, on fait des lanternes du premier style, avec la forme traditionnelle du début. Du moins en termes de formes, mais cela ne m’empêche pas de jouer avec les matériaux. Il m’arrive de remplacer le papier par un autre matériau ou encore de faire des dessins différents.

13/ Si vous aviez une baguette magique, comment feriez-vous la promotion de ce Yame chouchin (八女ちょうちん) auprès des gens ?

Je jetterais un sort aux gens pour que, lorsqu’ils verront les lanternes allumées, ils ne soient plus stressés.

14/ Avez-vous un message à faire passer à propos de Yame chouchin (八女ちょうちん) ou à propos de l’artisanat ?

Je veux un monde où les créateurs peuvent faire de leur mieux.

EXPÉRIENCE

Personnellement, j’ai trouvé cette technique très intéressante pour plusieurs raisons.

Le procédé de fabrication offre de nombreuses possibilités de changements, que ce soit dans la forme ou dans le choix des matériaux. En plus de cela contrairement aux lanternes de Kyoto, les lanternes de Yame ont une structure constituée d’une seule et même tige. Honnêtement, je ne pourrais pas dire laquelle est la meilleure, je pense que chacune d’elles peut être meilleure dans des contextes différents. Mais le fait est que je pense sincèrement que la capacité rétractable de cette technique peut facilement trouver d’autres applications. Je pense même en avoir trouvé quelques-uns intéressant mais bon, je garde ça pour moi pour l’instant.

Qu’en pensez-vous ? Cela vous donne des idées ?

Ici vous pouvez retrouvez tous le travail de Ito Hiroki !

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Instagram Ito Hiroki

Et vous, ça vous a donné des idées ? Envie d’essayer ?

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